Accent circonflexe
Analyse
L'accent circonflexe représente une importante difficulté de l'orthographe du français, et même l'usage des personnes instruites est loin d'être satisfaisant à cet égard.
L'emploi incohérent et arbitraire de cet accent empêche tout enseignement systématique ou historique. Les justifications étymologiques ou historiques ne s'appliquent pas toujours: par exemple, la disparition d'un s n'empêche pas que l'on écrive votre, notre, mouche, molte, chaque, coteau, moutarde, coutume, mépris, etc., et à l'inverse, dans extrême par exemple, on ne peut lui trouver aucune justification.
Il n'est pas constant à l'intérieur d'une même famille
: jeûner, déjeuner, côte, coteau, grâce,
gracieux, mêler, mélange, icône, iconoclaste, ni
même dans la conjugaison de certains verbes (être, êtes,
était, étant). De sorte que des mots dont l'histoire est
tout à fait parallèle sont traités différemment
: mû, mais su, tu, vu, etc. - plaît,
mais tait.
L'usage du circonflexe pour noter une prononciation est loin d'être cohérent : bateau, château ; noirâtre, pédiatre ; zone, clone, aumône ; atome, monôme.
Sur la voyelle e, le circonflexe n'indique pas, dans une élocution normale, une valeur différente de celle de l'accent grave (ou aigu dans quelques cas) : comparer il mêle, il harcèle, même, thème, chrême, crème, trêve, grève, prêt, secret, vêtir, vétille. Si certains locuteurs ont le sentiment d'une différence phonétique entre a et â, o et ô, è ou é et ê, ces oppositions n'ont pas de réalité sur les voyelles i et u (comparer cime et abîme, haine et chaîne, voûte, route et croûte, huche et bûche, bout et moût, etc.)
L'accent circonflexe, enfin, ne marque le timbre ou la durée des voyelles que dans une minorité des mots où il apparaît, et seulement en syllabe accentuée (tonique) ; les distinctions concernées sont elles-mêmes en voie de disparition rapide.
Certes, le circonflexe paraît à certains inséparable de l'image visuelle de quelques mots et suscite même des investissements affectifs (mais aucun adulte, rappelons-le, ne sera tenu de renoncer à l'utiliser).
Dès lors, si le maintien du circonflexe peut se justifier dans certains cas, il ne convient pas d'en rester à la situation actuelle : l'amélioration de la graphie à ce sujet passe donc par une réduction du nombre de cas où le circonflexe est utilisé. (Voir Règle 4 ; Recommandation 4.)
Règles
Si l'accent circonflexe placé sur les lettres a, o et e peut indiquer utilement des distinctions de timbre (mâtin et matin, côte et cote, vôtre et votre etc...), placé sur i et u il est d'une utilité nettement plus restreinte (voûte et doute par exemple ne se distinguent dans la prononciation que par la première consonne). Dans quelques terminaisons verbales (passé simple, etc.), il indique des distinctions morphologiques nécessaires. Sur les autres mots, il ne donne généralement aucune indication, excepté pour de rare distinctions de formes homographes.
En conséquence, on conserve l'accent circonflexe sur a, e, et o, mais sur i et sur u il n'est plus obligatoire, excepté dans les cas suivants :
a) Dans la conjugaison, où il marque une terminaison :
Au passé simple (première et deuxième personnes du pluriel) :
nous suivîmes, nous voulûmes, comme nous aimâmes,
vous suivîtes, vous voulûtes, comme vous aimâtes.
À l'imparfait du subjonctif (troisième personne du singulier) :
qu'il suivît, qu'il voulût, comme qu'il aimât.
Au plus-que-parfait du subjonctif, aussi nommé parfois improprement
conditionnel passé deuxième forme (troisième personne
du singulier) :
qu'il eût suivi, il eût voulu, comme qu'il eût aimé.
Exemples :
Nous voulûmes qu'il prît la parole,
Il eût préféré qu'on le prévînt.
b) Dans les mots où il apporte une distinction de sens utile : dû, jeûne, les adjectifs mûr et sûr, et le verbe croître (étant donné que sa conjugaison est en partie homographe de celle du verbe croire). L'exception ne concerne pas les dérivés et les composés de ces mots (exemple : sûr, mais sureté, croître, mais accroitre). Comme c'était déjà le cas pour dû, les adjectifs mûr et sûr ne prennent un accent circonflexe qu'au masculin singulier.
Les personnes qui ont déjà la maîtrise de l'orthographe
ancienne pourront, naturellement, ne pas suivre cette nouvelle norme.
Remarques :
- cette mesure entraîne la rectification de certaines anomalies étymologiques, en établissant des régularités. On écrit désormais mu (comme déjà su, tu, vu, lu), plait (comme déjà tait, fait), piqure, surpiqure (comme déjà morsure) traine, traitre, et leurs dérivés (comme déjà gaine, haine, faine), et ambigument, assidument, congrument, continument, crument, dument, goulument, incongrument, indument, nument (comme déjà absolument, éperdument, ingénument, résolument)
- sur ce point comme sur les autres, aucune modification n'est apportée aux noms propres. On garde le circonflexe aussi dans les adjectifs issus de ces noms (exemples : Nîmes, nîmois)
Recommandation
Accentuation des mots empruntés et des néologismes :
on n'utilisera plus l'accent circonflexe dans la transcription d'emprunts, ni dans la création de mots nouveaux (sauf dans les composés issus de mots qui conservent l'accent). On peut par exemple imaginer un repose-flute, mais un allume-dôme, un protège-âme.
Loi 1990 - Ici page 05 Page suivante >>> 06
Rectifications de l'orthographe: J.O du 6 décembre 1990
00 - Introduction pour ces nouvelles règles
01 - Trait d'union, mots composés, onomatopées + Listes A, B, C, F
02 - Pluriel des mots composés
03 - Tréma
04 - Accents aigus et graves + Listes D, E, G
05 - Accent circonflexe
06 - Verbes en -eler et en -eter
07 - Participe passé des verbes en emplois pronominaux
08 - Pluriel des mots empruntés + Liste F
09 - Les anomalies + Liste H